LE VIEUX CIMETIERE – LA PREMIERE EGLISE
Ce vieux cimetière avec ses sarcophages sur la partie Est date certainement d’avant l’effondrement de l’Empire romain et donc des premiers missionnaires comme Saint Andéol au Bourg Saint Andéol ou Saint Irénée à Lyon. Il est raisonnable de penser que ces sépultures avaient sur leur côté Sud une église. Tous les premiers chrétiens enterraient leurs morts dans ou autour d’un sanctuaire.
Le vieux plan de Labrot de 1827, actuellement dans notre mairie, note sur un acte de Maître Mestre, notaire à Aubenas, une ancienne chapelle, et lors d’une visite de l’Echo de Jastres, j’ai pu voir, au rez de chaussée de la maison Jaussent, un carrelage avec de petites tomettes hexagonales en terre cuite, en très bon état, qui n’est guère à sa place dans une cave. Il s’agit certainement du sol d’un édifice beaucoup plus ancien.
Souvenons-nous de Saint Etienne de Fontbellon, on a dit que Fontbellon signifiait grandes fontaines, à cause des grandes sources de Saint Pierres (Font Rome). Aujourd’hui, il semble évident que ce nom vient de « Fontaines de Bellus » qui était un riche infirme de ces premier temps de chrétienté, et qui avait érigé cinq églises le long de la rivière Ardèche. Certaines ne sont pas localisées. Pourquoi cette église de Labot et son cimetière au bord de l’Ardèche n’en serait pas une comme celle dont on a trouvé des restes à Ville, dans l’ancienne maison Laurent ?
Après la disparition de l’Empire romain, la Gaule toute entière et notre Helvie (devenue Vivarais) ont été parcourues par des peuples pillards, et par des bandes venues de nos montagnes qui volaient d’abord et brûlaient ensuite. Il est probable que cette église ait subi le même sort qu’Alba, Jastres Nord, St Pierre où l’on a trouvé sur toutes ces ruines une couche de cendre épaisse bleuâtre caractéristique. A Saint Pierre, sous une couche de terre sans doute apportée par une inondation qui varie de 60 à 80 cm.
Seuls sont restés les vestiges enterrés, le cimetière et quelques ruines dans le sol. Je crois que la maison a été construite sur les fondations de ces bâtisses, les voûtes du rez de chaussée étant manifestement beaucoup plus récentes.
André Helly disait que sous sa maison, lors d’aménagements, il avait trouvé de vieux murs sans aucun rapport avec son habitation.
L’EGLISE A SAINT DIDIER
Après le départ de l’évêque d’Alba à Viviers vers l’an 400, nous ne savons que peu de choses sur notre plaine ; il faut attendre l’an 1080 et le testament que Pons de Montlaur, seigneur d’Aubenas, rédigea à l’occasion de son départ pour la croisade pour trouver la première mention du nom de Saint Didier. Saint Didier était un évêque prédicateur qui vivait ai IV ème siècle.
Ma voisine, Madame Bonnefoy, propriétaire d’une partie de maison au village, était certaine que le sanctuaire étai t chez elle, en face du puits communal, au fond d’une cour que les anciens (ses parents) appelaient encore « l’eïre du deïme », l’aire où l’on battait le blé de la dîme. Il y avait encore un bénitier. Mais le partage de l’immeuble, les réparations successives des différents propriétaires, rendent très difficile l’identification de l’église ; seules les petites voûtes parallèles du sous-sol semblent avoir traversé les siècles sans trop de dommage pour arriver jusqu’à nous. Je crois que la famille de mon arrière arrière-grand-mère y vivait avec ses onze enfants, les Fournets.
Il est donc bien difficile de définir les contours de ce sanctuaire qui ont été trop bouleversés. Notons qu’il était près de la maison qui porte la fenêtre à meneaux, les lucarnes à accolades qui ornaient le logis des seigneurs de l’époque « Les Cocchis ». Ils étaient les représentants de l’abbaye de Lavilledieu dont notre paroisse dépendait.
L’abbesse de Lavilledieu nommait le curé, encaissait les dîmes et entretenait une sorte d’abri pour le pèlerins (croix de Florence).
Les deux bâtiments sont séparés par une ruelle très étroite d’un type Moyenageux caractéristique.
Cette église n’a jamais eu de cimetière, sans doute à cause du sol très pierreux. Celui de Labot a été utilisé depuis jusqu’en 1827. L’église elle-même a été utilisée jusqu’en 1580 environ ; il semble que beaucoup de paroissiens de ces temps étaient devenus protestants et ne souhaitaient pas conserver un curé
Cette église a été fréquentée dés le X ème siècle, c’est –à- dire pendant que le pape était en Avignon, avant de retourner à Rome en 1936. C’était l’époque où vivait le Cardinal Pasteur que l’on appelait aussi le Cardinal d’Aubenas ou Pasteur des Serrets. Il était né à Saint Etienne de Fontbellon, au quartier des Serrets dans une famille de pauvres laboureurs. Entré au couvent des Cordeliers à Aubenas, il est remarqué pour son intelligence et envoyé à Paris pour parfaire son éducation. Après de nombreuses missions importantes, il deviendra évêque d’Assise, patrie de Saint François d’Assise, le saint qui prêchait aux oiseaux qui venait l’écouter et fondateur de l’ordre religieux des Franciscains ou Cordeliers. A cause de Saint François, l’évêché d’Assise avait un grand rayonnement dans toute la chrétienté et n’était attribué qu’à de fortes personnalités.
Le cardinal devint par la suite ministre des affaires étrangères du pape. C’est l’un des plus importants personnages né à Aubenas. Pour montrer qu’il n’oubliait par ses origines, il faisait peindre sur les nombreux tableaux qui le représentaient, paraît-il, à Avignon, dans un coin, deux petits cochons qui gambadaient, ou une paire de souliers que sa paroisse avait dû fournir pour l’envoyer étudier : les petits cochons montraient ses origines rurales et les souliers sa pauvreté originelle.
L’EGLISE A LABOT
Les guerres de religion ont amené la destruction de l’église de Saint Didier. L’Edit de Nantes en 1598 et la fin des guerres en 1629 (siège de la Rochelle) laissaient à nouveau notre paroisse sans lieu de culte et sans prêtre. Alors que les guerres étaient finies et que la population était redevenue catholique, les Dames de Lavilledieu ont fait construire à cette fin une grande salle voûtée, dans le vieux village de Labot, tout près du vieux cimetière et de la première église. Cette grande salle à la voûte presque horizontale sur le milieu ne peut pas avoir d’autres origines, et les religieuses dotèrent ce sanctuaire de la cloche qui a été transportée dans l’actuel clocher. Elle porte la date de sa fabrication, 1632, ainsi que le nom de sa marraine donatrice Susanne de Modène, abbesse de Lavilledieu et fille de Jacques de Modène, seigneur d’Aubenas.
Nous connaissons les noms des curés de la paroisse ; ils ont tenu les registres de l’état civil depuis 1672. Il est probable que les révoltes du Roure ont détruit les registres d’avant 1672.
La dame de Lavilledieu avait construit une église mais pas de presbytère, si bien que le curé recevait tous les ans une allocation logement de 50 livres. Marie d’Ornano donnait au notre de la dîme tout le terrain où se trouve actuellement le camping jusqu’aux limites avec Aubenas.
Le curé exploitait ce terrain avec ses deux sœurs et un domestique. Les choses ont duré ainsi jusqu’à la Révolution de 1789. Le curé réformateur est d’abord commissaire du peuple avant d’être obligé de se cacher, la Révolution étant devenue très anticléricale. L’église, comme dans les autres paroisses, est fermée ; on dit qu’on a enlevé les tuiles et Saint Didier, après être devenue Peyrol, deviendra la commune de Jastres jusqu’en 1818, l’année de Waterloo.
Je voudrais attirer l’attention sur le rôle de l’église au sujet de la justice lorsque des faits graves (crimes etc.) se produisaient. A l’époque, il n’y avait pas de commissaires enquêteurs et très peu de gens d’armes (gendarmes). Pour savoir ce qui s’était passé, on avait recours au monitoire qui était une réunion religieuse dans l’église pour la recherche de la vérité. Le prêtre demandait à ses fidèles ce qu’ils savaient, ce qu’ils avaient vu, entendu, ouï dire. Il s’installait en chaire avec un cierge allumé et ordonner aux gens d’aider la justice. Il demandait cela devant le tabernacle, devant Dieu. S’il avait l’impression que par peur ou tout autre sentiment, les fidèles ne voulaient pas parler, il lançait le cierge dans la foule, comme on lance l’anathème, l’excommunication. La population était fondamentalement croyante, elle vivait par sa foi et pour sa foi. Elle était très sensible à ces appels.
On a ordonné des monitoires jusqu’en 1793. Napoléon a bien essayé d’y revenir mais tenu pour responsable de la mort de Pie VI à Valence et excommunié par Pie VII, il ne pouvait pas avoir l’appui du clergé et cela ne put fonctionner.
L’EGLISE ACTUELLE
Après la Révolution, l’église de Labot était ruinée à son tour. Une délibération du Conseil municipal constate que « ruinée par la fureur révolutionnaire, les fidèles qui y sont assemblées sont en danger » et que la voûte pousse les murs. Une aide du gouvernement de 920 franc fut accordée pour les réparations nécessaires ; elle servit sans doute à l’érection du pilier au milieu de l’église, qui existe encore aujourd’hui au milieu de la cave d’Huguette Faure, et à la construction des contre-forts très lourds élevés contres les murs pour empêcher de s’ouvrir davantage en surplomb.
Mais la décision est prise de construire une église nouvelle ainsi qu’un presbytère et en 1822 le maire Saladin présente les plans du nouvel édifice. Il sera construit sur un terrain donné par Monsieur Joseph Delent, au milieu de ses propriétés, pour faciliter l’accès au cimetière. Une souscription volontaire rapporte 9 207.20 francs. L’église construite, Monsieur Delent, que l’on a sans doute fâché, s’aperçoit que les ouvertures de l’église et de la cure donnent directement sur ses propriétés, que l’escalier qui permet d’accéder à l’étage du presbytère aboutit sur son terrain, ainsi que la porte du cellier. Il somme la commune de fermer toutes les ouvertures de l’église et de la cure, rendant l’église inutilisable et la cure inaccessible en barricadant l’escalier. Le Maire, furieux, demande à Charles X d’exproprier les terrains voisins. Il fait dresser à cet effet un plan très précis de Labot que nous avons aujourd’hui à la mairie. Le roi refuse l’expropriation. Que faire ? Le Maire et Monsieur Delent sont tellement dressés l’un contre l’autre qu’aucun contact n’est possible entre eux. Il est évident qu’il faut négocier. Monsieur Saladin démissionnera et sera remplacé par le dernier représentant des seigneurs de Saint Didier, Hippolyte Fleury François de Valleton. Ils parviendront à un « traité » signé devant Maître Mestre, notaire à Aubenas, qui échangera la vieille église, le vieux cimetière contre le droit de regard direct des fenêtres et vitraux, l’accès à l’escalier de la cure, une partie du cimetière nouveau et le jardin du presbytère.
Cette affaire invraisemblable était donc terminée et l’évêque Monseigneur Bonnel pouvait enfin nommer un curé résidant à Saint Didier. Je ne peux pas terminer ce passage de l’histoire de notre commune sans signaler que le petit-fils de Monsieur Delent, Hilarion, notaire à Aubenas, abandonnera son étude pour entrer dans les ordres religieux à la Grande Chartreuse.
Il donnera à la paroisse tous les bien qu’il possédait à Saint Didier dont sa maison familiale qui servira longtemps d’école libre de fille. Elle est aujourd’hui un immeuble loué par la paroisse.
Cette église, après sa construction, était une grande pièce rectangulaire ; on y a ajouté très vite les deux chapelles ont la construction, vue de l’extérieur, semble d’assez mauvaise qualité. En 1892, Henri Rouvière est nommé curé de Saint Didier. Il décide de faire construire un clocher afin que notre église ressemble à toutes les autres. Il fera dessiner un plan ambitieux, organisera une souscription à laquelle il participera généreusement avec son argent personnel. En 1902, le clocher est terminé, dans sa forme actuelle et en 1904, ce curé bâtisseur qui n’avait pas une forte santé meurt. Il laissait à d’autres la construction de la flèche dont il avait les plans dans ses tiroirs. Elle ressemble à celle de Lussas.
Je pense que la Mairie possède une photo du lendemain de l’inauguration ; on y voit encore une échelle dans le clocher, les rabats sons ne sont pas encore installés, ni la porte du tambour, ni la fenêtre de la tribune, deux mats devant la porte très hauts avec étendard qui flotte au vent et sans doute l’abbé Rouvière, devant la porte, appuyé sur un tas de pierre bien arrangées. On peut y voir aussi que la place de l’église, achetée en 1833, est toute plantée de mûriers.
Les églises successives de Saint Didier n’avaient jamais eu de clocher ; il a fallu attendre 1902 pour avoir un clocher. Aujourd’hui, nous avons un clocher, un presbytère et pas de prêtre. Mais l’Esprit souffle où il veut. Qui vivra, verra…
Jean LANTUS